Un entraîneur formateur
On le savait proche des jeunes joueurs. On connaissait sa tendance à mettre en avant des jeunes talents, chose logique puisque c'était son rôle à Barcelone, ou il couvait les jeunes pousses de l'équipe B pour les préparer au grand saut vers l'équipe première.
C'est même pour cela que Luis Enrique a été recruté, puisque la Roma voulait bâtir un projet sur plusieurs années, en reconstruisant l'équipe, vieillissante et en fin de cycle.
Sur le principe, pourquoi pas. Un jeune entraîneur avec une philosophie de jeu bien à lui, des recrues "adaptées" à ce style de jeu, et un rajeunissement de l'effectif, je suis partant.
Sur les faits, de trop grandes lacunes dans le recrutement et dans le coaching entraînent la Roma vers une saison sans relief et sans qualification Européenne.
Dur à encaisser pour un club de ce standing, pourtant bardé de nouveaux propriétaires et d'un discours prometteur.
Luis Enrique, l'erreur de casting
Après presque une saison, le bilan de l'Espagnol est maigre. Éliminé piteusement en Europa League avant même la phase de poule, sorti sans difficulté de la Copa par la Juve, et à la traîne en Serie A, avec, pour couronner le tout, deux défaites lors des derbys.
Et ne pensez pas que cela compte pour rien, une victoire au match retour aurait laissé bien plus de marge de manœuvre au technicien Espagnol. Seulement, comme lors de chaque grande affiche de la saison, la Roma a déçu. Et les supporters grondent.
Soyons clair, tout n'est pas de sa faute. Il a un projet, des idées, il y croit dur comme fer, mais voila, il a une capacité d'adaptation proche du néant.
Alors que son système figé montre clairement ses limites dans un championnat aussi tactique que celui d'Italie, jamais il n'a tenté autre chose que son schéma de départ. Des latéraux excentrés offensifs qui créent des trous béants dans leur dos, qui ne sont pas couverts par le repli des milieux, et les adversaires qui exploitent systématiquement les espaces, je l'avais remarqué face à Cagliari, lors du premier match de la saison. C'est exactement comme cela que sont venus les buts de la Juve cette semaine.
L'Atalanta s'était régalé en contre et avait atomisé la Roma sans forcer son talent. Lecce, ou l'équipe était invaincue depuis de nombreuses années, a passé 4 buts à la Louve....
Et c'est là que c'est inadmissible. En 8 mois de travail, l'équipe ne s'est pas améliorée du tout, malgré les retouches assez surréalistes du mercato hivernal (j'y reviendrais plus tard).
Le fond de jeu reste correct, la circulation latérale du ballon et la conservation également, mais l'avant-dernière passe, celle qu'un Pizzarro, par exemple savait si bien faire, n'est plus là.
Avoir deux bons joueurs devant, c'est bien, mais si personne ne peut leur donner le ballon, à quoi servent-ils?
Les changements constants du 11 type empêchent tout automatisme de se développer, et certains joueurs ont clairement perdu de leur influence au fur et à mesure que leur poste changeait. La mise à l'écart progressive de Totti par un entraîneur voulant absolument avoir raison commence à peser, et j'ai beaucoup de mal à croire qu'une seconde saison avec ce fonctionnement soit envisageable.
L'étrange gestion du cas Totti
Aujourd'hui, en conférence de presse, comme d'habitude, la presse monomaniaque a posé des questions sur la surprenante non-titularisation du Capitaine emblématique de la Roma face à la Juventus.
Facilement irritable sur un sujet qui le suit depuis le début de saison (Totti et Luis Enrique s'étaient brouillés après le remplacement du premier par Okaka en Europa League), le coach Catalan a déclaré: "Bien sur que Totti est le meilleur joueur de ce groupe, mais l'équipe doit apprendre à jouer sans lui, parce que dans le futur, il ne sera plus là".
Cette déclaration me parait des plus étranges. Certes, Totti a 34 ans. Ses plus belles années sont derrière lui, mais jusqu'à preuve du contraire, il est encore membre à part entière de l'effectif. Apprendre à jouer sans lui à des joueurs, dont certains quitteront le club avant qu'il prenne sa retraite, me parait une justification plus que fantaisiste.
Une équipe doit apprendre à jouer avec les joueurs qui la composent, et non avec les joueurs qui la composeront dans 3, 4 ou 10 ans.
Se passer de Totti dans un tel match, et tenter un coup en titularisant le faiblard Marquinho et le vieux Perrotta face au meilleur milieu de terrain d'Italie, ça a un nom : la bêtise.
Bêtise provoquée par l'entêtement d'un coach déterminé à prouver qu'il peut réussir à Rome sans Totti. Preuve qu'en plus de ses lacunes tactiques, Luis Enrique n'a pas compris le contexte du club ou il est venu.
Le coach comme seul coupable?
Surement pas. Vous avez compris que je ne suis pas un grand fan de Luis Enrique, ayant déjà de nombreux doutes sur le système Barcelonais à la base, sa transposition dans un championnat autrement plus tactique et moins offensif que la Liga me laissait songeur.
Reste que le coach n'a jamais fait de mystères sur sa volonté et son projet. Que cela ne fonctionne pas, cela arrive, mais ce n'est pas pour autant qu'il est seul à blâmer.
La gestion des mercatos a, elle aussi été au mieux un semi-échec.
Dans les "bonnes" recrues, nous pouvons parler de Osvaldo, Borini, Pjanic, voire Heinze.
Dans celles qui ont encore le bénéfice du doute, on citera Lamela et José Angel.
Au rayon des déceptions, Stekelenburg vient au premier plan. Censé être notre premier vrai bon gardien de but depuis Antonioli, le néerlandais a vu ses limites exposées par une défense dépassée constamment. Trop lent sur ses sorties, il est sujet aux cartons lors de chacun de ses face-à-face, comme face à la Juve ou encore lors du derby. Seulement, des face-à-face, il en aura de très nombreux à gérer puisque sa ligne de défense est très (trop?) haute et les adversaires jouent régulièrement dans le dos de l'arrière garde Romaine.
Reste qu'il est tout de même capable de bonnes performances, et qu'on peut penser qu'une fois qu'il aura plus de facilités à échanger avec ses défenseurs, son niveau augmentera en conséquence.
Les véritables échecs sont les suivants:
Kjaer, catastrophique sur plus de la moitié de ses sorties, alors que l'on attendait de lui qu'il remplace Mexès. Propulsé titulaire par la blessure de Burdisson, il s'est vite fait griller la politesse par un Heinze bien plus combatif, avant que les limites physiques de Juan n'oblige le Danois à jouer.
Impossible qui plus est de sortir le traditionnel discours de l'adaptation à un nouveau championnat, car Simon connait bien la Serie A. Un mystère d'autant plus surprenant qu'il réalise de belles performances en équipe nationale.
Bojan, lui, est le prototype même du buteur qui ne sert à rien. Celui qui marquera quand vous mènerez 4-0 ou que vous serez mené par 3 buts d'écart à 15 secondes de la fin du match. On sent qu'il a du jeu, mais que son mental est aussi fort que mon amour pour la Lazio. Un joueur qui gagnerait à partir dans un championnat sans pression, comme la seconde moitié du tableau de la Liga ou la Ligue 1 par exemple.
Gago, lui, confirme ce que je pensais de lui. C'était un espoir exceptionnel qui ne s'est jamais vraiment remis de ses blessures et de son manque de temps de jeu au Real. Il lui reste quelques flashs par moment, mais rien de bien transcendant, loin de son image de "nouveau Redondo" malheureusement.
Au mercato d'hiver, ces déceptions ont été rejoints par Marquinho, un énième milieu brésilien sans relief, dont la spécialité est la frappe de loin dans la tribune opposée. Pas exceptionnel dans le jeu, pas hyper-présent physiquement, pas techniquement au dessus de la moyenne, ce recrutement est pour le moment un grand mystère pour moi.
Et c'est devant le nombre d'erreurs de casting et de choix étranges que ma confiance pour le management sportif du club s'effrite.
En Janvier, alors que Burdisso était blessé depuis 3 mois et out pour la saison, c'est un milieu de terrain qui a débarqué, venant compléter l'armada de joueurs moyens déjà présents à ce poste (Greco, Simplicio, Perrotta, Gago, plus Viviani sortant de la réserve, et Pjanic pouvant y jouer également...), obligeant De Rossi à reculer d'un cran de plus en plus régulièrement.
Et on parle de faire venir Dempsey (Fulham, et surtout Américain, comme les propriétaires) et Sissoko (de Toulouse), qui ne seraient pourtant pas de nettes améliorations à ce poste à mon sens.
Autre gros manque, aucun arrière latéral droit de bon niveau n'est présent dans l'effectif, Rosi étant moyen au mieux, Cassetti complètement cramé et Taddei clairement hors de position malgré toute sa bonne volonté.
Pas de back-up de José Angel non plus, alors que les latéraux devraient être le poste le plus important du système de Luis Enrique.
Des choix assez illogiques qui ont amené la Roma à un effectif bancal et selon moi mal construit, cause incontestable de certaines contre-performances.
Une saison de perdue?
Comme je le disais plus haut, Luis Enrique prépare le futur. Sauf que dans un club aussi sujet aux pressions que la Roma, le futur, c'est maintenant. Que l'on accepte de laisser du temps à un nouveau projet, je le conçois, et je suis pour, mais quand après une saison complète, rien n'évolue, difficile de ne pas être sceptique.
Alors que la Roma ne disputait qu'une seule compétition (l'Europa League étant finie avant même de commencer), il est assez incroyable de la voir s'empêtrer à un niveau de points similaire à celui d'un Inter qui a complètement loupé sa saison et changé deux fois de coach.
La saison prochaine s'annonce sans coupe d'Europe, et pleine d'incertitudes. Qui sera coach? Luis Enrique aura-t-il convaincu les propriétaires de le garder? Et avec quels joueurs?
Clairement, la Roma se trouve à un tournant. Au Management de bien le gérer pour ne pas gâcher une saison supplémentaire.